Ce cur qui haïssait la guerre
voilà qu'il bat pour le combat et la bataille !
Ce cur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui
des saisons,
à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines
un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en
sifflent
Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans
la ville et la campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat.
Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres curs, de millions d'autres curs
battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces curs,
Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot
d'ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cur haïssait la guerre et battait au rythme des
saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les
vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l'ombre
à la besogne que l'aube proche leur imposera.
Car ces curs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.
NUITS ET
BROUILLARS
Paroles et Musique Jean Ferrat
1°
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants dans ces wagons plombés,
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.
Ils se croyaient des hommes n'étaient plus que des nombres,
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés,
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été.
2°
La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure obstinément
Combien de tours de roues d'arrêts ou de départs,
Qui n'en finissaient pas de distiller l'espoir.
Ils s'appelaient Jean; Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaent Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaent pas mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.
3°
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleus.
Les allemands guettaient du haut des miradors,
La lune se taisait comme vous vous taisiez,
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.
4°
On me dit aujourd'hui que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitarre.
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.
5°
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants dans ces wagons plombés,
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.
JEAN BALLARD : INTRODUCTION AUX CAHIERS DU SUD. FIN
JANVIER 1940
En septembre 1939, quand l'appel aux armes nous dispersa et fit la solitude
en ces lieux que tant d'êtres ont rendus vivants, nous nous sommes
crus non seulement obligés, mais tenus au silence.
Aujourd'hui, 17 décembre : cette date incite à nous ressaisir.
Voilà 10 ans, jour pour jour, qu'André Gaillard mourait,
laissant parmi nous une présence radieuse, une flamme qui semble
grandir quand l'ombre se fait sur nos esprits.
( )Il n'eut jamais consenti à se taire et sa voix vibre encore
d'avoir quitté prématurément sa bouche pour emplir
celle de la grande Révolte qui s'ouvre à intervalles sur
l'ignominie des temps. Il n'accepterait pas aujourd'hui notre silence
. ( )
Il serait le premier d'entre nous à réclamer contre l'état
dégradant où quelques hommes, sortis des caves du mal, veulent
réduire le monde. Il dénoncerait cette fange qu'ils nomment
leur vérité ey leurs ruses grossières pour distiller
ce poison dans les âmes libres.
( ) Si André Gaillard avait pu vivre assez pour assister aux
déchaînements des dictatures, nul doute qu'il n'eut pu contenir
sa colère et son dégoût et que sa poésie, familière
des cimes, n'eut fondu en traits de feu sur ces misérables et leurs
larves malfaisantes ; nul doute, s'il vivait cette guerre, qu'il n'en
verrait le terrible enjeu et qu'une fois de plus, refoulant ses larmes,
il en accepterait l'horreur présente au nom de l'Homme à
venir.
Si la société évacue la poésie comme mode
d'expression non productif, c'est peut-être que la poésie
est un foyer de contestation, un acte de résistance, une incompatibilité
fondamentale avec le système dominant ?
[Jean Rouaud]
QUELQUES ARTICLES DES
"CONSEILS A L'OCCUPE" DE JEAN TEXCIER:
1. Les camelots leur offrent des plans de Paris et des manuels de conversation:
les cars déversent leurs vagues incessante devant Notre Dame et
le Panthéon : pas un qui n'ait vissé dans l'il, son
petit appareil photographique. Ne te fais pourtant aucune illusion, ce
ne sont pas des touristes.
2. Ils sont vainqueurs. Sois correct avec eux. Mais ne va pas pour te
faire bien voir au devant de leurs désirs. Pas de précipitation.
Ils t'en sauraient au surplus, aucun gré.
3. Tu ne sais pas leur langue ou tu l'as oubliée. Si l'un d'eux
t'adresse la parole en allemand, fais un signe d'impuissance, et sans
remords, poursuis ton chemin.
6. S'il te demande du feu, tends ta cigarette. Jamais, depuis les temps
les plus lointains, on a refusé du feu -pas même à
son ennemi le plus mortel.
7. S'ils croient habile de verser le défaitisme au coeur des citadins
en offrant des concerts sur nos places publiques, tu n'es pas obligé
d'y assister. Reste chez toi, ou va à la campagne écouter
les oiseaux.
8. Depuis que tu es occupé, ils paradent en ton déshonneur.
Resteras-tu à les contempler? Intéresse-toi plutôt
aux étalages. C'est bien plus émouvant, car au train où
ils emplissent leurs camions, tu ne trouveras bientôt plus rien
à acheter
13. C'est entendu, ils savent chanter en cur d'une voix juste, mais
c'est au commandement comme pour un exercice respiratoire, chez nous les
soldats chantent faux et rarement en mesure, mais ils ignorent la corvée
du chant, ils chantent quand ça leur chante.
14. La lecture des journaux de chez nous n'a jamais été
conseillée à ceux qui voulaient apprendre à s'exprimer
correctement en français. Aujourd'hui, c'est mieux encore, les
quotidiens de Paris ne sont même plus pensés en français.
20. Il est interdit de lacérer leurs affiches. Aussi te gardes-tu
de les frôler même par temps de pluie.
21. Etale une belle indifférence ; mais entretiens secrètement
ta colère. Elle pourra servir.
23. L'aigle allemand marche pompeusement et c'est le pas de l'oie. Partant
en guerre contre l'Angleterre, ils chantent avec ostentation, et c'est
peut-être le chant du cygne.
30. Tu grognes parce qu'ils t'obligent à être rentré
chez toi à vingt-trois heures précises.
Innocent, tu n'as pas compris que c'est pour te permettre d'écouter
la radio anglaise ?.
32. En prévision des gaz, on t'a fait suer sous un grouin de caoutchouc
et pleurer dans des chambres d'épreuve.
Tu souris maintenant de ces précautions.
Tu es satisfait d'avoir sauvé tes poumons. Sauras-tu maintenant
préserver ton coeur et ton cerveau?
Civil, mon frère, ajuste avec soin ton beau masque de réfractaire.
Jean Texcier.
1°
Un jour Adolphe Hitler
S'prom'nant sous le D'nieper
A dit j'vais vous montrer, j'ai du flair
J'ai compris tout à coup
Qu'la défense avant tout
Devait être montée sur caoutchouc
Ma méthode est basée sur l'élasticité
Eins , zwei, drei
Je vais vous l'expliquer
Chaque pas en avant
Doit être immédiatement
Suivi la chose est claire
De quinze pas en arrière
Puis de manière adroite
L'aile gauche glisse sur l'aile droite
Pendant qu'l'aile droite
Ebauche un virage sur l'aile gauche
Ah,Ah,Ah,Ah C'est la défense élastique
Ah,Ah,Ah,Ah Y'a rien d'plus chouette que c'truclà
2°
C'est non seulement génial
Mais encore radical
Et bien plus actif que l'véronal
L'astuce de tout'façon
Est d'donner l'impression
D' faire de la progression à reculon
Faut déployer d'l'adresse
Plus encore de souplesse
Mine de rien, coudes aux corps en vitesse
Quand une brèche se produit
Sur un point du circuit
On fait une épissure
Qui colmate la fissure
Pour n'pas être accroché
Suffit d'se décrocher
Et d'opérer son r'pli
Avant qu' ça n'fasse un pli
Ah,Ah,Ah,Ah C'est la défense élastique
Ah,Ah,Ah,Ah Y'a rien d'plus chouette que c'truclà
3°
S'défendre élastiquement
Nécessite constamment
Qu'on s'garde derrièr' pour prendre les d'vant
Bref l'avance dans l'recul
Est un fameux calcul
Qui prouve bien que sans rien tout est nul
C'est une formule heureuse
Qui permet sans qu'on s'creuse
D'annoncer une défaite victorieuse
L'offensive à l'envers
Ca démontre à l'ennemi
Qui vous r'garde de travers
Qu'on court plus vite que lui
A quoi bon se colter
Avec les Bolcheviks
Vaut bien mieux les lacher
Avec un élastique
Ah,Ah,Ah,Ah C'est la défense élastique
Ah,Ah,Ah,Ah Y'a rien d'plus chouette que c'truclà
LEVE-TOI ET MARCHE Edith
THOMAS
Les Lettres Françaises juillet 1943
Peuple mort, peuple muet,
peuple muré, peuple affamé,
avec un gros poids de pierre sur la tête
et sur le cur ;
Peuple du métro de tous les jours,
avec ses chaussures de bois,
et son livre qu'il lit, comme on s'évade
par une fenêtre ouverte, un jour de printemps.
Peuple français, peuple roumain,
peuple bulgare, peuple grec,
peuple serbe, et toi, peuple allemand,
quand le temps sera-t-il venu ?
La liberté n'a-t-elle plus de nom
elle qui chaque matin était plus belle,
comme une femme qu'on aime
est plus jeune chaque matin.
La liberté qui faisait crouler les châteaux
et qui faisait lever les faux,
et battre les fausses justices,
la liberté n'a-t-elle plus de nom pour toi, ce matin ?
Peuple sous le tas de pierre du silence.
Peuple aux lèvres serrées,
peuple aux membres brisés,
au corps pantelant sous les bottes
qui s'éloignent sur le trottoir,
le miracle ne viendra que de vous
et personne d'autre que vous ne dira
comme à Lazare en son tombeau :
" Lève-toi et marche "
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de jambon dans la rue
Paris amis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme une épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le seul désordre
Tu vas te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue
Frères ayons le courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni bien élevés
Un rayon s'allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre cur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L'espace du printemps naissant
La force idiote à le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
La nation A.B.C.
La gloire F.A.C.
La République D.C.D.
Les places fortes O.Q.P.
Les provinces C.D.
Les lois L.U.D.
Le peuple E.B.T.
La justice H.T.
La ruine H.V.
La liberté F.M.R.
La honte V.Q.
Le prix des denrées L.V.
Mais l'espoir R.S.T.
C.Oberfeld-A.Willemetz
Chantée par Fernandel - 1940
Une chanson de pure propagande... contre la propagande. Fernandel se prête
ici à l'exercice difficile d'utiliser la chanson pour éduquer
les français: Méfiez vous de tout et ne croyez rien ! Cette
chanson fait allusion au traître de Stuttgart: c'était un
français au service des allemands et qui faisait dans sa langue
maternelle des émissions de propagande à destination de
la France. Avec talent semble-t-il, car il était très connu,
et il était très écouté. Il s'appelait Ferdonnet,
mais je ne sais pas si ce français avait une réalité
ou si c'était une invention de la propagande allemande...
1°
Méfie toi ma Francine
De tous les potins du quartier
Des ragots d'la voisine
Des cancans du laitier
Par dessus tout ma belle
Ne va pas t'alarmer
De chaque fausse nouvelle
Des gens bien informés...
refrain
Faut pas, faut pas Francine
Écouter les racontars
Des badauds par trop bavards
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser embobiner par les bobards
Ne crois pas qu'Hitler soit mal avec Staline
Et qu'les boches aient bombardé Madagascar
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser dégonfler par les âneries des canards
2°
Méfie toi j't'l demande
La TSF a des dangers de la sale propagande
Des speakers étrangers
Si parfois tu dégotes
Stuttgart à la Radio
Dis toi qu'tu s'rais idiote
D'en croire un traître mot
refrain
Faut pas, faut pas Francine
Écouter les racontars
Du salopard de Stuttgart
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser embobiner par ces bobards
Quand je pense qu'il veut faire croire
Quand il jaspine
Que c'est un bon français
De Barbès-Rochechouard
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser dégonfler par ces discours là !
3°
Le Führer d'une voix tendre
Nous redit chaque samedi
Je ne veux plus rien prendre
Maintenant que j'ai tout r'pris
J'adore l'Angleterre
J'adore les Français
Pourquoi me faire la guerre
Quand j'veux qu'on m'fiche la paix !
refrain
Faut pas, faut pas Francine
Écouter les racontars
Du plus barbant des barbares
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser embobiner par ses bobards
S'il prend pour nous désarmer sa voix câline
C'est pour mieux nous tomber d'ssus un peu plus tard
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser dégonfler par ces propos d'paix
Faut pas, faut pas Francine
Te laisser dégonfler par ces propos d'paix, Si ! Na !
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Les Allemands étaient chez moi
On m'a dit résigne toi
Mais je n'ai pas pu
Et j'ai repris mon arme.
Personne ne m'a demandé
D'où je viens et où je vais
Vous qui le savez
Effacez mon passage.
J'ai changé cent fois de nom
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
Et j'ai la France entière.
Un vieil homme dans un grenier
Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris
Il est mort sans surprise.
Hier encore nous étions trois
Il ne reste plus que moi
Et je tourne en rond
Dans la prison des frontières.
Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l'ombre.
Je trahirai demain, pas aujourd'hui
Aujourd'hui, arrachez-moi les ongles
Je ne trahirai pas !
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
moi, je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures avec des clous.
,je trahirai demain. Pas aujourd'hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre.
Il ne me faut pas moins d'une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
pour mourir.
Je trahirai demain. pas aujourd'hui-
La lime est sous le carreau,
La lime n'est pas pour le bourreau,
La lime n'est pas pour le barreau,
Le lime est pour mon poignet.
Aujourd'hui, je n'ai rien à dire.
Je trahirai demain
Agent de liaison d'un groupe de résistance, elle fut arrêtée
en janvier 43. Après plusieurs mois à Fresne, elle fut jugée
à Berlin, emprisonnée à la prison de Jauer en Silésie.
Lorsque les armées russes avancent, elle est conduite à
Ravensbrück, Mathausen, et Bergen-Belsen où elle mourut.
Bientôt midi.
Ca sent la soupe monotone et moisie.
Ah! Que j'ai envie
De fruits craquants et rebondis,
D'herbes fraîches et de jus sucrés
Dans des vergers alourdis
De branches qui m'égratignent.
Que j'ai envie
De bourgeons éclatés
Dans mes doigts,
Que j'ai envie là, sur ma gorge
D'un baiser d'homme inassouvi,
Deux étaux à ma taille,
La terre sous mes épaules
Accueillante comme un lit,
Une sève de fleur, de plante, de vie
Coulant de moi
Avec un envahissement de marée;
Et soudain cette joie
Venue de je ne sais quelle éternité,
Cette joie
Qui tord les racines comme des muscles
Sous la terre violentée,
En moi cette joie à crier
Midi! Ca sonne! Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui?
Ah! Oui! Des pois
Des pois cassés et moisis.
Nous rêvions de bifteck, de seins, de ciels de lune,
Quand la porte de fer s'ouvrit avec fracas.
Un gardien courroucé, comme toujours, hurla
En jetant vers les murs un ami d'infortune.
Nous dîmes simplement: "Bonjour mon camarade."
Il releva la tête dans le jour naissant
Nous vîmes son visage: une courge de sang,
Et surtout ses yeux clos rougis par les arcades.
Il parla faiblement: "Ils frappaient sans relâche.
"J'ai plié sous les coups mais pas avoué.
"Je regrette une chose: avoir pleuré, pleuré
"Devant des loups hurlants qui n'étaient que des lâches."
Le soir, réconforté, s'accrochant aux chimères,
Notre enfant courageux, fier de ses dix-sept ans,
Demanda de chanter pour éprouver son cran
Et montrer son courage aux vieux, ses trois grands frères.
L'enfant chanta pour nous un air doux de sa mère,
Il chanta chaque soir, il chanta jusqu'au bout.
Seul un peloton vert le foudroyant debout
Eteignit l'air vainqueur qui fermait sa carrière.
Y'a plus de tabac
dans la France entière
Y'a plus de tabac
les boches n'en manquent pas
On va grelottant
faute de combustible
On va grelottant
Mais on a Darlan
Et l'on fait la queue
Sans trouver de beurre
Et l'on fait la queue
Mais on a Pucheu
Et y' a plus d'jambon
D'puis l'année dernière
Et y' a plus d'jambon
Mais on a Marion
Y'a plus de pain
Dans toute la France
Y'a plus de pain
Y'a Benoît Méchin
Tout va chez les fritz qui laisse rien en France
Ils ne laissent les fritz
Que Cheneau Leris
Si ça va plus mal
Faudra bien qu'on s'dise
Si ça va plus mal
On aura Laval
Mais tout va très bien
Madame la Marquise
Mais tout va très bien
Puisqu'on a Pétain
Mais vous en faites pas
Faudra qu'ça finisse
Mais vous en faites pas
La France les chassera
Le beau
matin de juin
RENE CHAR extraits des " Feuillets d'Hypnos "
Horrible journée ! J'ai assisté, distant de quelque cent
mètres, à l'exécution de B. Je n'avais qu'à
presser la sur la gâchette du fusil-mitrailleur et il pouvait être
sauvé ! Nous étions sur les hauteurs dominant Céreste,
des armes à faire craquer les buissons et au moins égaux
en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux
qui imploraient partout autour de moi le signal d'ouvrir le feu, j'ai
répondu non de la tête Le soleil de juin glissait un
froid polaire dans mes os
Il est tombé comme s'il ne distinguait pas ses bourreaux et si
léger, il m'a semblé, que le moindre souffle de vent eût
dû le soulever de terre.
Je n'ai pas donné le signal parce que ce village devait être
épargné à tout prix .
Qu'est ce qu'un village ? Un village pareil à un autre ? Peut-être
l'a-t-il su, lui, à cet ultime instant
Toute l'autorité, la tactique et l'ingéniosité ne
remplacent pas une parcelle de conviction au service de la vérité.
Ce lieu commun, je crois l'avoir amélioré.
Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l'austère nuit
des marais s'appellent mais ne se voient pas, ployant à leur cri
d'amour toute la fatalité de l'univers
Je n'ai pas peur. J'ai seulement le vertige. Il me faut réduire
la distance entre l'ennemi et moi. L'affronter horizontalement.
Agir en primitif et prévoir en stratège.
Archiduc me confie qu'il a découvert sa vérité quand
il a épousé la résistance. Jusque là il était
un acteur de sa vie frondeur et soupçonneux. L'insincérité
l'empoisonnait. Une tristesse stérile peu à peu le recouvrait.
Aujourd'hui il aime, il se dépense , il es engagé, il va
nu, il provoque. J'apprécie beaucoup cet alchimiste.
La France a des réactions d'épave dérangée
dans sa sieste. Pourvu que les caréniers et les charpentiers qui
s'affairent dans le camp allié ne soient pas de nouveaux naufrageurs
!
Vous serez une part de la saveur du fruit.
A tous les repas pris en commun nous invitons la liberté à
s'asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis.
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.
BILLET A FRANCIS CURIEL (René CHAR)
Nous sommes partisans, après l'incendie, d'effacer les traces
et de murer le labyrinthe. On ne prolonge pas un climat exceptionnel.
Nous sommes partisans, après l'incendie, d'effacer les traces,
de murer le labyrinthe et de relever le civisme. Les stratèges
n'en sont pas partisans. Les stratèges sont la plaie de ce monde
et sa mauvaise haleine. Ils ont besoin pour prévoir, agir et corriger,
d'un arsenal qui, aligné, fasse plusieurs fois le tour de la terre.
Le procès du passé et les pleins pouvoirs pour l'avenir
sont leur unique préoccupation. Ce sont les médecins de
l'agonie, les charançons de la naissance et de la mort. Ils désignent
du nom de science de l'histoire la conscience faussée qui leur
fait décimer une forêt heureuse pour installer un bagne subtil,
projeter les ténèbres de leur chaos comme lumière
de la Connaissance. Ils font sans cesse lever devant eux des moissons
nouvelles d'ennemis afin que leur faux ne se rouille pas, leur intelligence
entreprenante ne se paralyse. Ils exagèrent à dessein la
faute et sous-évaluent le crime. Ils mettent en pièce des
préjugés anodins et les remplacent par des règles
implacables. Ils accusent le cerveau d'abriter un cancer analogue à
celui qu'ils recèlent dans la vanité leur cur. Ce
sont les blanchisseurs de la putréfaction. Tels sont les stratèges
qui veillent dans les camps et manuvrent les leviers mystérieux
de notre vie.
Le spectacle d'une poignée de petits fauves réclamant la
curée d'un gibier qu'ils n'avaient pas chassé, l'artifice
jusqu'à l'usure d'une démagogie macabre ; parfois la copie
par les nôtres de l'état d'esprit de l'ennemi aux heures
de son confort, tout cela me portait à réfléchir.
La préméditation se transmettait. Le salut, hélas
précaire, me semblait être dans le sentiment solitaire du
bien supposé et du mal dépassé. J'ai alors gravi
un degré pour bien marquer les différences.
Je suis le veilleur de la rue de Flandre,
Je veille tandis que dort Paris.
Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.
J'entends passer des avions au-dessus de la ville.
Je suis le veilleur du Point du Jour.
La Seine se love dans l'ombre, derrière le viaduc d'Auteuil,
Sous vingt-trois ponts à travers Paris.
Vers l'ouest j'entends des explosions.
Je suis le veilleur de la Porte Dorée.
Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses ténèbres.
J'ai entendu des cris dans la direction de Créteil
Et des trains roulent vers l'est avec un sillage de chants de révolte.
Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.
Le vent du sud m'apporte une fumée âcre,
Des rumeurs incertaines et des râles
Qui se dissolvent, quelque part, dans Plaisance ou Vaugirard.
Au sud, au nord, à l'est, à l'ouest,
Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.
Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Veillant au coeur de Paris, dans la rumeur grandissante
Où je reconnais les cauchemars paniques de l'ennemi,
Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,
Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands
d'Hitler.
Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre
et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.
Dans l'air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu'à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent
les hommes.
Des cris, des chants, des râles, des fracas il en vient de partout,
Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de thé,
Des quatre coins de l'horizon à travers les obstacles du globe,
Avec des parfums de vanille, de terre mouillée et de sang,
D'eau salée, de poudre et de bûchers,
De baisers d'une géante inconnue enfonçant à chaque
pas dans la terre grasse de chair humaine.
Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Et je vous salue, au seuil du jour promis
Vous tous camarades de la rue de Flandre à la Poterne des Peupliers,
Du Point du Jour à la Porte Dorée.
Je vous salue vous qui dormez
Après le dur travail clandestin,
Imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails, incendiaires,
Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages,
Je vous salue vous tous qui résistez, enfants de vingt ans au sourire
de source
Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes, images des saisons,
Je vous salue au seuil du nouveau matin.
Je vous salue sur les bords de la Tamise,
Camarades de toutes nations présents au rendez-vous,
Dans la vieille capitale anglaise,
Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne,
Américains de toutes races et de tous drapeaux,
Au-delà des espaces atlantiques,
Du Canada au Mexique, du Brésil à Cuba,
Camarades de Rio, de Tehuantepec, de New York et San Francisco.
J'ai donné rendez-vous à toute la terre sur le Pont-au-Change,
Veillant et luttant comme vous. Tout à l'heure,
Prévenu par son pas lourd sur le pavé sonore,
Moi aussi j'ai abattu mon ennemi.
Il est mort dans le ruisseau, l'Allemand d'Hitler anonyme et haï,
La face souillée de boue, la mémoire déjà
pourrissante,
Tandis que, déjà, j'écoutais vos voix des quatre
saisons,
Amis, amis et frères des nations amies.
J'écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains,
Dans les lourds relents de l'océan Pacifique,
Blanches escadres de mains tendues dans l'obscurité,
Hommes d'Alger, Honolulu, Tchoung-King,
Hommes de Fez, de Dakar et d'Ajaccio.
Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons et des coeurs,
Du front de Russie flambant dans la neige,
Du lac Ilmen à Kief, du Dniepr au Pripet,
Vous parvenez à moi, nés de millions de poitrines.
Je vous écoute et vous entends. Norvégiens, Danois, Hollandais,
Belges, Tchèques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois,
Albanais et Yougo-Slaves, camarades de lutte.
J'entends vos voix et je vous appelle,
Je vous appelle dans ma langue connue de tous
Une langue qui n'a qu'un mot :
Liberté !
Et je vous dis que je veille et que j'ai abattu un homme d'Hitler.
Il est mort dans la rue déserte
Au coeur de la ville impassible j'ai vengé mes frères assassinés
Au Fort de Romainville et au Mont Valérien,
Dans les échos fugitifs et renaissants du monde, de la ville et
des saisons.
Et d'autres que moi veillent comme moi et tuent,
Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues désertes,
Comme moi ils écoutent les rumeurs et les fracas de la terre.
A la Porte Dorée, au Point du Jour,
Rue de Flandre et Poterne des Peupliers,
A travers toute la France, dans les villes et les champs,
Mes camarades guettent les pas dans la nuit
Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la terre.
Car la terre est un camp illuminé de milliers de feux.
A la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre
Et peut-être aussi, camarades, écoutez-vous les voix,
Les voix qui viennent d'ici quand la nuit tombe,
Qui déchirent des lèvres avides de baisers
Et qui volent longuement à travers les étendues
Comme des oiseaux migrateurs qu'aveugle la lumière des phares
Et qui se brisent contre les fenêtres du feu.
Que ma voix vous parvienne donc
Chaude et joyeuse et résolue,
Sans crainte et sans remords
Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades,
Voix de l'embuscade et de l'avant-garde française.
Écoutez-nous à votre tour, marins, pilotes, soldats,
Nous vous donnons le bonjour,
Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de notre espoir,
Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour,
A vous qui êtes proches et, aussi, à vous
Qui recevrez notre voeu du matin
Au moment où le crépuscule en bottes de paille entrera dans
vos maisons
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon coeur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout coeur bonjour.
Il parle doucement. Avec cette économie de gestes que seuls ont
ceux qui ont beaucoup vécu. Dans les yeux, il y a quelque chose
qui s'allume. Peut être cette flamme soigneusement entretenue depuis
plus d'un demi-siècle. La flamme de la Résistance qu'il
ranime, parfois pour ceux qui savent titiller ses souvenirs. " C'était
un temps déraisonnable, on avait mis les morts à table ",
aurait pu dire Aragon. Un temps de chien où l'humiliation pliait
les corps. Va savoir pourquoi, lui n'avait jamais accepté de se
taire comme le faisaient ceux qui ne parlaient plus d'espoir depuis que
le vert-de-gris avait souillé les forêts de la vallée.
Espoir, le mot était en lui depuis longtemps. Peut être un
héritage, une façon d'être ou de vivre que l'on acquière
avec les mots de ceux qui vous précèdent. Il se souvient
maintenant. C'était il y a juste soixante ans. Avec d'autres, il
avait commencé par faire sauter les pylônes de la vallée.
Histoire d'exister ou de faire vivre les mots du premier maquisard tombé
un soir de novembre 1942, une poignée de tracts en main.
Il lui avait promis qu'il continuerait. Une promesse tachée par
le sang des mains de l'homme. Comme la vie, qu'il avait senti filer entre
ses doigts quand les Allemands les surprirent. Oui, il continuerait même
s'il fallait en mourir. Alors, ce soir-là, il s'est approché
lentement des usines. La nuit tombait sur les cheminées et dans
le sombre du ciel, il s'était rappelé les mots de l'ami
: " Ne les laisse pas tranquilles, porte l'espoir sur ton dos même
s'il est lourd. La France vaut ta vie. "
C'est ces mots qui le titillaient quand il mit la mèche à
l'explosif. Une mèche déroulée dans le silence avec
les ombres qui l'accompagnaient. Il fallait la faire sauter cette usine.
Il l'avait juré. Elle livrait aux Allemands l'acier qui, sur tous
les fronts, broyait les corps des soldats alliés. L'allumette,
l'étincelle qui court et cette gifle énorme dans la nuit,
ces flammes qui avalent les fours, cette fumée qui gonfle le ciel
dans les tourments de la fournaise. Tout s'était effondré
dans un craquement de poutres et de tôle dans le concert des sirènes
et des cris ennemis. L'usine brûlait, les malaxeurs explosaient,
un à un les pylônes s'écrasaient dans un bruit de
tonnerre. Lui fuyait, la peur au ventre, les balles allemandes sifflaient
aux oreilles, derrière lui des amis tombaient. Il parvint ainsi
au sommet du môle d'où l'on voyait l'incendie avancer dans
la nuit. Il gagnait les bords de l'Isère, ravageait les ateliers,
mordait la forêt. Là-bas, la ronde des camions s'affolait,
les mitrailleuses crépitaient, on entendait la nuit s'emplir de
mots de mort.
Il ne dormit pas cette nuit-là. Il pensa à l'ami, à
la promesse tenue. L'Allemand était au bord de la déroute
et cela lui suffisait. Le lendemain, il se rendit au cimetière
sur la tombe de l'ami. Il confia tout bas au marbre du monument qu'il
avait réussi. Des mots doux posés sur le socle de la pierre
muette. Puis il s'en revint lentement rejoindre la maison qui veille sur
le verrou de la vallée. C'est là qu'il vit encore. Et c'est
ce chemin qu'il refait tous les 30 novembre depuis 1943. La maison, le
cimetière, la demeure de l'ami. Et les mots livrés à
la tombe. Comme un espoir. Une façon d'être, de vivre. De
résister au temps et aux douleurs qui reviennent.
Chant du G.M.O. "Liberté" air: Les Allobroges
Dédié à tous les combattants sans uniforme pour le
Jour "J"
Paroles du Capitaine Rodolphe
Chef du G.M.O. Liberté
1er COUPLET
Quand retentit l'appel de délivrance,
Qu'un souffle ardent lança sur le pays,
D'un même élan, de tous les coins de France
Les patriotes ont surgi des maquis.
Leur fière voix, vengeresse des crimes,
Remplit d'effroi le barbare ennemi,
Car ces héros, ces va-nu-pieds sublimes
Sont les enfants (bis) des vainqueurs de VALMY.
refrain
Aux armes, francs-tireurs ! Sortez de vos tannières
Le jour libérateur rayonne de clarté !
Et sur le flot vengeur, flottez, nobles bannières
Au vent de Liberté, de Liberté ! 2ème COUPLET
Abandonnant les bureaux, les usines
Ou la charrue au sillon commencé,
Ils ont offert bravement leurs poitrines
A l'idéal que d'autres ont abjuré
Et l'univers connut le sacrifice
De bataillons qui mêlaient dans leurs rangs
Des vieux grognards dont la tempe était grise,
Des capitaines (bis) qui n'avaient pas vingt ans.
Au refrain
3ème COUPLET
Ils ont quitté les épouses, les mères,
Etres chéris, gardiennes du foyer,
Pour que se lève une aube de lumière
Sur le chaos qui nous tenait ployés.
En défenseurs des libertés humaines,
Devoir sacré qu'ils n'ont pas désappris,
Du joug odieux ils ont brisé les chaînes ;
Sans liberté (bis) la vie n'a plus de prix !
22 octobre 1941. Un mercredi. C'est jour de marché à Châteaubriant
La guerre dure depuis déjà deux ans mais la foule se presse
autour des étals, autant pour se retrouver que pour acheter . Il
fait très beau ce matin
22 octobre 1941 : les militaires allemands prennent position aux carrefours
de la route de Fercé et de la route de Vitré. Le passage
à niveau auprès du château est bouclé. Il se
passe quelque chose
22 octobre 1941 : trois camions bâchés traversent la ville.
Des hommes chantent La Marseillaise avec fierté
A trois kilomètres de la ville se trouve une carrière de
sable. Neuf poteaux de bois y sont dressés. Les fermiers tout proches
sont enfermés chez eux. Ils verront les événements
par les interstices de la fenêtre de la cuisine
22 octobre 1941 : 13 h 30, au Camp de Prisonniers de Choisel les nazis
ont disposé un fusil mitrailleur au centre du camp. Ils vont de
baraque en baraque : ici Guy MOQUET 17 ans, là Etienne LALET 59
ans, plus loin André TENINE, Maurice GARDETTE et d'autres
22octobre 1941 : les 27 Otages sont enfermés dans la baraque 6.
Il est 14 heures. Une feuille de papier, une enveloppe, le temps d'écrire
un mot à leur famille. Ces hommes vont mourir parce que les nazis
ont donné l'ordre d'exécuter 50 Orages en représailles
contre l'exécution, deux jours auparavant, du lieutenant-colonel
colonel HOLTZ par un jeune Résistant, à Nantes.
22 Octobre 1941 : à 14 h 50, neuf par camion, les hommes chantent
la Marseillaise et l'Internationale. Et le Chant du départ. Tremblez
ennemis de la France; Rois ivres de sang et d'orgueil .....
15 h15 : les internés du Camp de Choisel chantent une dernière
fois avec ceux qui partent à la mort
15 h 25 : le sinistre convoi traverse Châteaubriant. Un silence
lourd plane sur la ville. Des hommes serrent les poings. Des femmes se
signent. Les Otages ne cessent de chanter
15 h 40, la Sablière. Neuf poteaux de bois devant un rideau de
genêts et d'ajoncs. 90 hommes sont là, en peloton d'exécution.
15 h 55
16 h
16 h 10 - trois salves.
En 15 minutes le crime a été commis.
Les Otages sont morts debout criant " Vive la France ", "
Vive le Parti Communiste ", " Vive le Parti Communiste allemand
" , " A bas Hitler ! "
Au Camp de Choisel les prisonniers ont entendu les salves. Une minute
de silence est observée par 700 hommes et femmes, le cur
lourd de souffrance.
16 h 30, les camions portant les corps des suppliciés, jetés
en vrac, remontent vers le château. Au passage à niveau :
un train . Les camions attendent. Sur la route le bitume restera taché
de sang
17 h : les 27 corps sont déposés au château, sous
la Salle des Gardes. Des soldats allemands veillent toute la nuit pour
que nul n'approche. Dans le ciel coassent les corbeaux du vieux Donjon.
Triste chant funèbre
Au Camp de Choisel, lors de l'appel du soir, le bureau a oublié
de rayer le nom des 27 fusillés. A l'appel de leur nom, un ami
répond " Mort pour la France ". Vingt-sept fois .
Le même jour à Nantes, au Champ de Tir du Bêle, 16
autres patriotes sont exécutés par les nazis. Et 5 autres
encore au Mont-Valérien à Paris. Le lendemain 50 otages
seront à leur tour fusillés à Souges, près
de Bordeaux.
23 octobre 1941. Les corps des fusillés de Châteaubriant
sont dispersés trois par trois dans neuf communes des environs.
Il ne faut pas que le peuple sache où les trouver.
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d'étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d'amour
Ils n'ont pas de recommandations à se faire
Parce qu'ils ne se quitteront jamais plus
L'un d'eux pense à un petit village
Où il allait à l'école
Un autre est assis à la table
Et ses amis tiennent sa main
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n'entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu'ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.
LETTRE DE HENRI FERTET "Un
condamné à mort de 16 ans"
Elève de seconde du lycée Victor Hugo à Besançon.
Résistant condamné à mort par le tribunal militaire
de la Feldkommandantur 560. Exécuté à Besançon
le 26 septembre 1943.
"Chers parents"
Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vu si plein
de courage, que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne
serait-ce que par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule,
ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur
moi votre tendre sollicitude que de loin . Pendant ces 87 jours de cellule
votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai
demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal
que je vous ai fait.
Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car avant,
je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends
tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé
à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être
après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour
que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas
à cette mission sacrée.
Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des français
heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde,
mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les français
soient heureux, voilà l'essentiel . Dans la vie, il faut savoir
cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de souci, je garde mon courage et ma belle
humeur jusqu'au bout, et je chanterai "Sambre et Meuse" parce
que c'est toi ma chère petite maman qui me l'a apprise.
Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture
est peut-être tremblée, mais c'est parce que j'ai un petit
crayon. Je n'ai pas peur de la mort. J'ai la conscience tellement tranquille.
Adieu la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché.
Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans.
H.Fertet
Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire.
Expéditeur: Henri Fertet
Au ciel près de Dieu.
L'AFFICHE ROUGE
Paroles Louis Aragon, Musique Léo Ferré
Couplet 1
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portrait sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuits hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tâche de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants.
Couplet 2
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos "Morts pour la France"
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement :
"Bonheur à tous, Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand"
Couplet 3
Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses,
Adieu la vie, adieu la lumière et le vent
Marie-toi, soit heureuse et pense à moi souvent
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée, ô mon amour, mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant.
Couplet 4
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
ABEILLE
Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu'à ce qu'elle étouffe,
elle n'étouffera pas sans t'avoir piqué.
C'est peu de chose, dis-tu.
Oui, c'est peu de chose.
Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus
d'abeilles.
A tous les repas pris en commun nous invitons la liberté à
s'asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis. (René
Char)
La plaie que, depuis le temps des cerises,
je garde en mon cur s' ouvre chaque jour.
En vain les lilas, les soleils, les brises
viennent caresser les murs des faubourgs.
Pays des toits bleus et des chansons grises,
qui saignes sans cesse en robe d'amour,
explique pourquoi ma vie s'est éprise
au sanglot rouillé de tes vieilles cours.
Aux fées rencontrées le long du chemin
je vais racontant Fantine et Cosette.
L'arbre de l'école, à son tour, répète
une belle histoire où l'on dit: demain
Ah ! jaillisse enfin le matin de fête
où sur les fusils s'abattront les points !
Je voudrais dire deux mots sur le droit de résistance, parce que
je découvre avec stupeur que personne n'est vraiment profondément
conscient du fait que la reconnaissance de ce droit (la civil disobedience
en l'occurrence) constitue l'un des éléments les plus anciens
et sacrés de la civilisation occidentale. L'idée qu'il existe
un droit supérieur au droit positif est aussi vieille que cette
civilisation elle-même. Ce conflit entre deux Droits, toute opposition
qui dépasse la sphère privée le rencontre. L'ordre
établi détient le monopole légal de la force et il
a le droit positif, l'obligation même d'user de cette violence pour
se défendre. En s'y opposant, on reconnaît et on exerce un
droit plus élevé. On témoigne que le devoir de résister
est le moteur du développement historique de la liberté,
le droit et le devoir de la désobéissance civile étant
exercé comme force potentiellement légitime et libératrice.
Sans ce droit de résistance, sans l'intervention d'un droit plus
élevé contre le droit existant, nous en serions aujourd'hui
encore au niveau de la barbarie primitive.
(Conférence : Le problème de la violence dans l'opposition,
Juillet 1967)
Finissons ce siècle pourri
Et cannibale en silence.
Mon regard est pendu parmi les dentiers,
les valises ouvertes
les monticules de paires de lunettes
les crématoires éteints
où la vie sans fin s'évide et s'évide!
Les goulags les stalags les camps les fossés du monde
nous serrent la gorge.
Il y a des vêtements
tellement chers aux vitrines
que l'on ne voit plus l'envie
mais le désert du désir
Il y a des misères si vastes
tellement plaintes au décor
que l'on hait l'indifférence,
que la colère est neuve
Pensons demain où l'homme l'étranger
n'est plus juif musulman chrétien
mais familier
où les putains sont libres,
et nos mains des cerises sur leurs seins.
Pensons demain les solidarités mises
à la croisée de nos gestes,
l'avenir un rythme nègre
où le rêve réalise vraiment un monde meilleur
sans soldats de faction,
sans barbelé aux sentiments.
Finissons ce siècle avec modestie
nos slogans sous la pile de mensonges témoins
de nos regards de loup,
quand nous étions candides aux certitudes vides
qui font les holocaustes.
Finissons ce siècle!
Le présent est d'urgence
pour les droits de l'homme.
L'ESTACA
écrite par Lluis Llach sous Franco
Cette chanson existe également en français et est interprétée
par Marc Ogeret .
L'estaca
L'avi Siset em parlava
De bon matí al portal
Memtre el sol esperàvem
I els carros vèiem passar.
-Siset, que no veus l'estaca
On estem tots lligats?
Si no podem desfer-nos-en,
Mai no podrem caminar!
-Si estirem tot ella caurà
Que moltde temps no pot durar
Segur que tomba, tomba, tomba
Ben corcada deu ser ja.
Si tu l'estires fort per aqui
I jo l'estires fort per allà
Segur que tomba, tomba, tomba
I ens podrem alliberar
-Però Siset fa molt temps ja
Les mans se'm van escorxant!
I quan la força de me'n va
Ella és més ample i més gran.
- Ben cert, sé que està podrida,
Però és que, Siset, costa tant!
Que a cops la força m'oblida.
Tornem a dir el teu cant:
L'avi Siset ja no diu res;
Mal vent que se'l va emportà,
Ell qui sap cap a quin indret
I jo a sota el portal.
I quan passen els nous vailets,
Estiro el col per cantar
El darrer cant d'en Siset,
Lo darrer que em va ensenyar.
Traduction : Le pieu
Grand-père Siset me parlait ainsi
De bon matin sous le porche
Tandis qu'attendant le soleil
Nous regardions passer.
- Siset, ne vois-tu pas le pieu
Où nous sommes tous attachés ?
Si ne nous pouvons nous en défaire
Jamais ne pourrons nous échapper !
- Si nous tirons tous il tombera
Cela ne peut durer longtemps
C'est sûr il tombera, tombera, tombera
Bien vermoulu, il doit être déjà.
Si tu le tires fort par ici
Et que je tire fort par-là
C'est sûr il tombera, tombera, tombera
Et nous pourrons nous libérer.
- Mais Siset ça fait déjà bien longtemps
Mes mains à vif sont écorchées !
Et alors que les forces me quittent
Il est plus large et plus haut
- Bien sûr, je sais qu'il est pourri,
Mais aussi, Siset il est si lourd !
Que parfois les forces me manquent.
Reprenons donc ton chant :
-Grand-père Siset ne dit plus rien,
Un mauvais vent l'a emporté,
Lui seul sait vers quel lieu
Et moi je reste sous le porche.
Et quand passent d'autres gens
Je lève la tête pour chanter
Le dernier chant de Siset,
Le dernier qu'il m'a appris.
La vie n'est pas une plaisanterie
Tu la prendras au sérieux,
Comme le fait un écureuil, par exemple,
Sans rien attendre du dehors et d'au-delà.
Tu n'auras rien d'autre à faire que de vivre.
La vie n'est pas une plaisanterie,
Tu la prendras au sérieux,
Mais au sérieux à tel point,
Qu'adossé au mur, par exemple, les mains liées
Ou dans un laboratoire
En chemise blanche, avec de grandes lunettes,
Tu mourras pour que vivent les hommes,
Les hommes dont tu n'auras même pas vu le visage,
Et tu mourras tout en sachant
Que rien n'est plus beau, que rien n'est plus vrai que la vie.
Tu la prendras au sérieux
Mais au sérieux à tel point
Qu'à soixante dix ans, par exemple, tu planteras des oliviers
Non pas pour qu'ils restent à tes enfants
Mais parce que tu ne croiras pas à la mort
Tout en la redoutant
Mais parce que la vie pèsera plus lourd dans la balance.